Vers le budget participatif

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La participation des citoyens à l’élaboration du budget et à son exécution était l’un des objectifs de la nouvelle municipalité parisienne. Cette volonté figurait dans son programme. Bien sûr, il faut du temps, les obstacles sont importants, la crise profonde qui éloigne les électeurs des urnes, le décalage entre les citoyens et leurs représentants élus ne sont pas les moindres.

Or le budget participatif s’est limité le plus souvent à une simple information dans les arrondissements. Une exception notable : l’expérience du budget participatif de la voirie dans le 20e arrondissement.

 

L’expérience du budget voirie 20e

Le 20e a été pionnier fin 1995 en étant le premier arrondissement à organiser une réunion de conseil de quartier. Il a fait de même en 2002 en initiant le lancement du budget participatif dans Paris, et en étant de fait le seul arrondissement à s’être réellement impliqué sur le long terme dans une telle démarche.  .

Avant d’en tirer des conclusions, voici un extrait d’une étude à l’échelon européen sur les budgets participatifs et coordonnée par Yves Sintomer (parue fin 2005), et en particulier de sa partie traitant du 20e arrondissement : 

"Au début de l’année 2002, les conseils sont invités à déterminer les priorités d’action pour leur quartier. Ces propositCIMG1018.JPGions sont alors débattues et affinées au sein des commissions thématiques de ces conseils. Des allers-retours sont organisés entre ces groupes de travail, le pôle démocratie locale et participative en mairie et les services techniques de la Ville afin d’évaluer les possibilités de concrétisation. La commission budgétaire de chaque conseil de quartier se charge ensuite d’une synthèse des propositions et une hiérarchisation est effectuée dans chaque quartier. En juin sont organisés les Etats généraux de la démocratie locale.

Les adjoints au maire de Paris chargés des finances et de la démocratie locale assistent à cette réunion afin d’exposer les grands axes de leur action. Chaque quartier présente ses priorités, puis le Maire annonce, pour l’ensemble de l’arrondissement, thème par thème, les propositions qu’il soutiendra à la fin de l’été devant l’adjoint aux finances de la Ville.

En 2003, le dispositif évolue quelque peu. Le service de la démocratie locale et participative commence par lister les demandes qui ont été acceptées lors du vote du budget de l’arrondissement par la Ville en décembre, celles qui sont en cours de traitement ou ont été abandonnées, …

… A partir de la troisième année, lors de la première séance plénière, un état des lieux est présenté thème par thème sur grand écran. A l’issue de l’exposé sur chaque thématique, la discussion s’engage et les demandes sont reportées sur un traitement de texte et s’affichent à l’écran. Sur la base du document qui en découle, les participants effectuent la hiérarchisation des priorités dans les commissions de travail.

 

L’aspect très concret et plus facilement annualisable des investissements de voirie permet ainsi un processus de co-élaboration budgétaire plus poussé. La procédure, après quelques tâtonnements, a commencé à être formalisée fin 2002 pour la préparation du budget 2004. De septembre à décembre, les commissions voirie de chaque conseil de quartier planchent sur une proposition d’investissement. Au mois de janvier, une réunion publique est organisée pour l’ensemble de l’arrondissement : le bilan des réalisations de l’année précédente est présenté par les services ainsi que leur perspectives d’action pour l’année qui débute. Chaque quartier énonce également ses premières demandes. A l’issue de cette séance émergent des grandes priorités. Entre janvier et mars les services techniques chiffrent l’ensemble des propositions et en étudient la faisabilité. De multiples allers-retours sont organisés avec les conseils de quartier dont les commissions voirie affinent les demandes. En mars, une réunion rassemble les responsables de ces commissions, les services techniques et l’adjoint en charge de la voirie. Un tableau de synthèse détaillant les différents postes budgétaires et les coûts, comprenant les projets des services et ceux des conseils de quartier est alors discuté collectivement et critiqué ligne par ligne. Ce document, qui prend déjà la forme de la copie qui sera remise au maire d’arrondissement, est retravaillé en fonction des ajustements proposés. Le résultat est intégré aux demandes générales de l’arrondissement au mois d’avril. Au final, la proposition construite en concertation servira de base à la négociation budgétaire entre le maire de l’arrondissement et l’adjoint à la voirie au niveau central.

 

Même si le processus semble manquer d’ambition, il fait office de précurseur sur la scène locale. Le 20 e arrondissement est le seul à montrer une réelle dynamique en ce sens et à avoir développé des moyens sur le processus de co-élaboration budgétaire. Dans le 19 e, après quelques tâtonnements et faute de porteurs motivés du projet, l’idée a été abandonnée. Dans le 20 e, la procédure initiale a pu être perfectionnée grâce à la persévérance du pôle de la démocratie participative et locale. Le budget participatif dans le domaine de la voirie, soutenu par un adjoint extrêmement dynamique, semble particulièrement abouti et peut faire office de modèle. De manière générale, les services techniques locaux s’impliquent assez fortement, convaincus de l’efficacité de la démarche participative. L’exemple du 20 e pourrait à l’avenir faire tâche d’huile si la volonté politique émergeait dans d’autres arrondissements. »

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Cette étude est parue à la fin 2005. Courant 2007, le processus de budget participatif pour la voirie était toujours en place dans le 20e selon les modalités décrites ci-dessus. Il s’est installé sur la durée, rassemble une participation assez nombreuse malgré la technicité du sujet, grâce en particulier à un investissement renouvelé des techniciens de la Ville de Paris, qui ont ainsi le moyen de mettre leur expertise au service des habitants.
En revanche, la procédure « globale » pour le 20e s’est en partie essoufflée, malgré les efforts des agents de pôle de la démocratie locale de la mairie du 20e. Le budget participatif « hors voirie » dans le 20e en 2007 s’est limité à un exercice d’analyse de la prise en compte ou non des demandes exprimées au cours des années précédentes, mais sans données budgétaires concrètes. Les habitants et conseillers de quartier en sont assez insatisfaits, et ils émettent comme critique principale l’absence d’implication réelle des élus et services (mais les services sont là pour mettre en œuvre la volonté politique des élus), à l’inverse du cas de la voirie.

 

Ce n’est pas un hasard si c’est dans un domaine géré par un élu communiste qu’on retrouve un volontarisme politique qui a permis à la démarche de budget participatif de s’installer. On constate en revanche les limites d’une démarche expérimentale si elle n’est pas prise en charge globalement par les élus et les services techniques dans tous les secteurs. On ne peut parler budget participatif sans mettre toutes les questions financières sur la table, sans assurer une transparence totale sur les enjeux financiers, et sans mettre en place une procédure démocratique cadrée et connue de tous Une procédure en laquelle les citoyens aient confiance et dans laquelle ils aient envie de s’impliquer. .

 

C’est ce qui manque pour l’instant à Paris. Il faut une véritable volonté politique de généralisation du budget participatif, une véritable volonté politique de partager le pouvoir avec les citoyens. Une expérience fonctionne. Seulement dans un arrondissement et pour un domaine d’activités. Cela ne doit être qu’un point de départ pour généraliser une nouvelle façon de travailler, de construire avec tous et dans la transparence le budget de la Ville de Paris, et donc l’avenir de la Ville.

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